Aux origines de la caste des prêtres
Les historiens sont aujourd’hui unanimes pour considérer
qu’Abraham était originaire de Ur en Chaldée,
dans ce qui est aujourd’hui l’Irak. A cette époque les
hommes étaient polythéistes. Il y avait donc beaucoup
de cultes différents et beaucoup de prêtres.
La famille où grandit Abraham évoluait donc probablement
dans ce milieu polythéiste et païen, comme la
plupart à l’époque. Or, dans le paganisme les prêtres
occupent une place centrale.
Abraham vécut dans la 1ère moitié du 2ème millénaire
avant Jésus-Christ, à l’époque sumérienne, du nom du
peuple qui vivait alors dans cette région, la Mésopotamie,
dont Babylone était la capitale. Comme beaucoup en
ce temps-là, les Sumériens adoraient de nombreux
dieux. Le service rendu à ces dieux était assuré par
une caste de prêtres très hiérarchisée servant de médiatrice
entre ces dieux et les hommes.
Afin de rester dans les bonnes grâces des dieux et
de ne pas s’attirer leur courroux, on procédait régulière-
Le culte païen des sacrifices et l’aspiration
au pouvoir de la caste des prêtres.
Qui a vraiment rédigé le Pentateuque ?
59
ment à des sacrifices d’animaux, mais aussi parfois à
des sacrifices humains.
La caste des prêtres régnait également sur la ville et
sur l’Etat. Le roi était investi à la fois de l’autorité politique
et spirituelle suprême. Ainsi, une de ses principales
fonctions consistait à tout mettre en oeuvre pour satisfaire
les dieux afin d’assurer la prospérité du pays et
le bien-être du peuple. Pour témoigner sa reconnaissance
aux dieux, on n’hésitait pas à sacrifier ce que
l’on avait de plus précieux. A cette époque, tout comme
aujourd’hui parfois encore, c’est l’enfant mâle premierné
qui était ce que les parents avaient de plus cher.
C’est donc lui qui était offert en sacrifice.
La Bible qui a conservé le souvenir de ces pratiques
nous en livre témoignage à travers l’épisode où Dieu demande
à Abraham de lui offrir son fils Isaac en sacrifice.
Mais en réalité, Dieu n’a jamais parlé ainsi. Ce qu’il attendait
d’Abraham c’était le sacrifice de son attachement possessif
envers son fils, dans la mesure où il avait pour
tâche de n’être pas seulement le père d’un seul mais celui
de tout le peuple hébreu. Abraham, tellement imprégné
des conceptions polythéistes de son époque, interpréta
tout naturellement le message perçu en lui comme un
appel à sacrifier ce qu’il avait de plus cher, en l’occurrence
son fils bien-aimé.
Ce message mal interprété, Abraham l’avait perçu
dans son coeur, de même que l’ange lui était apparu en
60
vision intérieure. En réalité, la signification de ce message
était la suivante : il n’est pas juste d’idolâtrer ton
fils de la sorte, de le placer au-dessus de tout et qui plus
est, de Dieu. Dieu devrait tenir la première place dans
ta vie. Abraham le premier, et ensuite ceux à qui il fit
part de son expérience spirituelle, l’ont naturellement interprété
en fonction des conceptions religieuses de l’époque
et du milieu dont ils étaient issus.
L’ange qui intervint pour retenir la main d’Abraham
avant qu’il ne commette l’irréparable, exprime la volonté
de Dieu. En effet, Dieu n’a jamais voulu ni demandé un
tel sacrifice. De manière symbolique, Dieu souhaitait
qu’Abraham prenne la main de son fils et qu’ensemble,
ils cheminent vers lui, le Dieu unique de l’amour. La Bible
rapporte qu’après l’intervention de l’ange, Abraham sacrifia
un mouton à la place de son fils Isaac. A ce point,
il convient de rappeler que tous les prophètes envoyés
par Dieu se sont formellement opposés à la pratique de
tels sacrifices. Ce sont les dieux du paganisme qui exigeaient
que des animaux ou des humains leurs soient
sacrifiés.
Abraham, tout imprégné de l’influence des cultes
païens, croit devoir effectuer un sacrifice. Si ce n’est son
fils, alors ce devra être un animal ! En Abraham, se livre
un véritable combat intérieur qui oppose l’Esprit de Dieu,
dont l’influence grandit toujours plus en lui, et les anciens
61
cultes païens. Ce combat s’est poursuivi pendant des
siècles, des millénaires et se perpétue aujourd’hui encore
mais de manière différente, comme le démontre
notre série. Pour combattre ces cultes propagés par la
caste des prêtres et dont la pratique des sacrifices sanglants
est une des marques de fabrique, Dieu a toujours
envoyé aux hommes de véritables prophètes. A travers
ses véritables serviteurs, Dieu a toujours cherché à
éclairer les hommes sur le seul sacrifice valable à ses
yeux : celui qui consiste à déposer le moi humain et à
s’abandonner entre ses mains. En aucun cas il n’a demandé
que des hommes ou des animaux lui soient offerts
en sacrifice.
Depuis les temps les plus reculés, le polythéisme
s’est nourri de peurs et de désirs : peur de perdre son
toit, ses biens, de se voir spolié, maltraité, réduit en esclavage
voire même d’être assassiné ainsi que sa famille,
mais également désir d’échapper à toutes les
peurs et incertitudes de l’existence liées à l’insécurité
de la vie, aux maladies, à la violence, aux intempéries,
etc… Et l’homme a longtemps considéré que seules des
instances aux pouvoirs supérieurs, des divinités, étaient
susceptibles de le protéger de ses dangers. Mais pour
cela, il fallait faire en sorte de leur plaire, de leur être
agréable. Tout ce qui pouvait y contribuer était privilégié.
Tout ce qui pouvait contrarier ce but devait être proscrit
autant que possible. Dans ces conditions, les sacri62
fices représentaient l’acte le plus fort qui soit pour témoigner
aux dieux reconnaissance et respect.
Mais l’enseignement de Jésus de Nazareth introduisit
une rupture totale dans cette façon de considérer
les choses puisqu’il repose sur l’amour désintéressé
qui donne inlassablement, sans rien attendre en retour
et dans le respect absolu du libre arbitre. Tout ce qui
est contraire à ces deux principes ne relève pas du véritable
christianisme !
Durant sa captivité en Egypte,
le peuple d’Israël a adopté de nombreuses
coutumes païennes comme par exemple
les vêtements d’apparat des prêtres
La conception païenne d’un Dieu cruel entretenue
par la caste des prêtres se retrouve également tout au
long des livres constituant le Pentateuque. Ainsi, dans
un des épisodes ayant suivi la sortie d’Egypte, alors
que Moïse redescend du Mont Sinaï qu’il a gravi pour y
recevoir de Dieu les Dix Commandements, il trouve les
Israélites autour d’un veau offert en holocauste, sous
l’influence de la caste des prêtres.
En Egypte, les Hébreux avaient bien souvent assisté
à de tels sacrifices puisqu’ils y étaient couramment pratiqués
par les prêtres égyptiens. C’est ainsi qu’ils adoptèrent
également ces coutumes ainsi que beaucoup
63
d’autres aspects du paganisme. Ils n’avaient pas encore
connaissance d’un Dieu bon et miséricordieux.
Il est de toute évidence que les cultes païens exerçaient
une forte influence à l’époque de Moïse. Pendant leur
captivité en Egypte qui s’échelonna sur plusieurs siècles,
les Hébreux avaient eu largement le temps d’observer
les comportements, les modes vestimentaires, etc…, de
la caste des prêtres et d’admirer la puissance dont celleci
disposait. Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce
qu’à leur installation en terre d’Israël, ils aient reproduit
nombre de coutumes qu’ils avaient observées puis adoptées
en Egypte, entre autres les vêtements sacerdotaux
ainsi que nous l’avons évoqué au chapitre précédent.
Les récits de la Bible attribués à Moïse
ont été rédigés en majeure partie,
mille ans après sa mort.
Sous couvert de Moïse, la caste des prêtres
a introduit ses propres conceptions
religieuses dans le judaïsme
On considère généralement Moïse comme l’auteur du
« Pentateuque » alors que ces livres sont l’oeuvre de la
caste des prêtres. Cela vous étonne-t-il ?
C’est pourtant ce que l’on enseigne aux futurs prêtres
et pasteurs dans les universités de théologie. Des
historiens ont retrouvé un document rédigé par des prê64
tres israélites lors de l’exil des juifs à Babylone. Ce document
connu sous le nom de livre des prêtres date du
6ème siècle avant Jésus-Christ. Or, ce qui figure dans ce
texte comporte des similitudes frappantes avec le Pentateuque,
ce qui porte à croire que celui-ci aurait été
rédigé à Babylone par les autorités religieuses israélites.
Ainsi, outre l’influence exercée antérieurement par
le polythéisme égyptien, il faudrait également prendre
en compte l’influence du polythéisme babylonien dans
l’élaboration du culte hébraïque et de ses rites. Bien entendu,
pour accorder une plus grande légitimité à ces
récits, on en aurait transposé l’origine à Moïse et on
aurait fait de ce dernier leur instigateur, à son insu.
Les livres attribués à Moïse ne datent donc pas du
vivant de ce grand prophète mais auraient été rédigés
près de mille ans après sa mort. Les premiers écrits se
référant à Moïse remontent aux rois David et Salomon.
Dans ces documents, aucune allusion n’est faite à l’importance
du rôle des prêtres. En fait, tous les livres et
documents écrits préalablement auraient été « retouchés
» autour du 6ème siècle pour y inclure cet aspect.
Les prêtres se sont donc retranchés derrière Moïse
pour introduire dans l’Ancien Testament leurs propres
conceptions en matière de religion. S’ils ont agi de la
sorte c’est bien entendu pour servir leur pouvoir et le
perpétuer. Le Pentateuque est donc l’oeuvre des prêtres
et non celle de Moïse !
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En se plaçant entre Dieu et les hommes,
les prêtres ont obtenu un pouvoir de
domination considérable qu’ils ont toujours
cherché à perpétuer par la menace
Si tout ce qui touche aux rites et aux vêtements sacerdotaux
est tellement important, c’est parce que ceux-ci
permettent aux prêtres de se prévaloir d’un privilège
exceptionnel : celui d’intercéder auprès de Dieu en faveur
des hommes. Ainsi, pour atteindre le salut de l’âme, pour
adoucir l’humeur de Dieu, pour accomplir les célébrations
rituelles prescrites par le dogme et se comporter
en fidèle bon et obéissant, il faut faire appel aux prêtres
et, à l’occasion, savoir leur témoigner reconnaissance
au moyen d’espèces sonnantes et trébuchantes.
Examinons maintenant cet aspect à la lumière de
ce qu’a dit Jésus de Nazareth et demandons-nous comment
il s’est comporté en la matière et ce qu’il a enseigné
? Jésus a-t-il une seule fois évoqué une quelconque
nécessité d’en appeller au service des prêtres ?
Non ! assurément non !!! Bien au contraire, tout au long
de son ministère, il n’a fait qu’affirmer : « Le royaume de
Dieu est en vous » (Lc 17, 21) Et quand le Fils de Dieu
parle ainsi, il l’affirme haut et fort pour signifier à chacun
qu’il est en relation directe et personnelle avec Dieu et
que, dans ces conditions, le recours à un prêtre ou à
toute institution sacerdotale est inutile et superflue.
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Cette affirmation n’a d’ailleurs rien d’outrancièrement
révolutionnaire puisqu’au sein même de l’Eglise catholique
certains n’hésitent pas à tenir des propos analogues.
C’est le cas, par exemple, de deux théologiens
allemands célèbres : Rupert Lay* et Herbert Haag**.
Ainsi, voilà ce que ce dernier, bibliste de renommée mondiale,
ancien professeur d’exégèse biblique à l’Université
de Tubingen, dit en 1998 lors d’une allocution publique dont
la teneur a bousculé quelques idées reçues : « Il y a longtemps
que les théologiens ont admis que Jésus ne voulait
pas fonder une Eglise ; les dogmaticiens les plus traditionalistes
, eux-mêmes, sont de cet avis.» Et de préciser
: «Pendant longtemps on a cru et on a enseigné
que l’Eglise a commencé avec Jésus-Christ. C’est ce
que j’ai moi-même appris au cours de mes études de
théologie, et de nombreux étudiants après moi. Jésus
aurait appelé des apôtres, et ces apôtres, sentant leur fin
prochaine, auraient désigné des successeurs qui, plus
tard furent nommés évêques. C’est d’ailleurs ce que le
dernier concile nous enseigne : Jésus-Christ, Pasteur
éternel, a édifié la Sainte Eglise en envoyant les apôtres...
et a voulu que leurs successeurs, c’est-à-dire les
évêques fussent, dans son Eglise, pasteurs jusqu’à la
* Rupert Lay («Nachkirchliches Christentum - der lebende Jesus
und die sterbende Kirche», Düsseldorf 1995)
** Herbert Haag («Worauf es ankommt - wollte Jesus eine
Zwei-Stände-Kirche?», Freiburg 1997)
67
fin des siècles (Lumen gentium 18). Ainsi on pouvait faire
remonter la charge des évêques indirectement jusqu’à
Jésus. Celui-ci avait appelé les apôtres et ces derniers
ont nommé des évêques. En réalité, le dernier apôtre avait
depuis longtemps fermé les yeux lorsque les premiers
évêques ont fait leur apparition. Le rôle des apôtres était
tellement exceptionnel que l’on ne peut parler de successeurs
à leur sujet.» Et encore «Les théologiens
d’aujourd’hui sont au contraire unanimes à penser
qu’aucune fonction d’Eglise ne peut se légitimer par référence
à Jésus. Les structures actuelles de l’Eglise sont
le résultat de processus historiques sur lesquels des influences
politiques ont joué et les modèles démocratiques
des débuts n’ont pas pu subsister. La théologienne
américaine bien connue, Rosemary Radford Ruether, n’at-
elle pas écrit, il y a déjà plus de dix ans, dans le journal
des pères jésuites suisses : « Le gouvernement de l’Eglise
est une construction historique, influencée par des systèmes
politiques existants, et ne peut pas être considéré
comme voulu par Dieu.» (Orientierung N°50, 1986, p.141)
Et on pourrait ainsi poursuivre les citations.
On voit bien l’intérêt de l’institution ecclésiastique à
perpétuer son influence sur la société à travers le pouvoir
qu’elle a toujours cherché à exercer sur les consciences.
Mais on doit à la vérité de reconnaître que, malgré
tous les efforts qu’elle a déployés dans ce sens,
l’Eglise n’aurait jamais pu atteindre son but et en tout cas
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préserver sa domination aussi longtemps, si elle n’avait
bénéficié de la complicité passive du peuple. Ni les prophètes,
ni Jésus, le Christ, n’ont voulu de telles choses.
Dans ces conditions, il faut bien reconnaître que c’est le
peuple lui-même qui a permis qu’il en soit ainsi.
Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est bien plus
facile de se confesser à un prêtre pour obtenir l’absolution
de ses péchés que d’aller soi-même vers son prochain
pour lui avouer ses torts et lui en demander pardon.
En quelque sorte, on pourrait dire que le prêtre fait
le travail à notre place et qu’ainsi il nous est possible
d’accéder au ciel à moindre effort ! C’est purement et
simplement de la superstition et celle-ci est toujours en
vigueur aujourd’hui !
Si le pouvoir des prêtres s’appuie en effet sur cette
tendance à la passivité et au moindre effort, il n’en est
pas moins vrai également que celle-ci a été fortement
encouragée et renforcée par l’usage de la menace et de
la peur.
Lorsque Jésus de Nazareth a enseigné le Dieu de
l’amour et quand il a dit que celui-ci se trouve en chacun
de nous, beaucoup d’hommes et de femmes ont été
malgré tout très touchés par ce message d’espérance.
Cela a soulevé l’enthousiasme de beaucoup et réveillé
en eux l’aspiration à la liberté et à la vérité. De tout temps
des hommes et des femmes sincères ont ressenti cet
69
appel. Pour ceux-là qui avaient la prétention de s’éveiller
de la léthargie dans laquelle on voulait les maintenir, il a
fallu user d’autres méthodes : celles de l’intimidation et
de la menace spirituelle. « Si tu refuses de nous écouter
et de nous suivre, tu finiras en enfer ». « Si tu ne fais
pas ce que nous t’ordonnons, tu ne parviendras jamais
jusqu’à Dieu. »
Et pour ceux qui persistaient à rester dans l’erreur,
on n’hésita pas à recourir, à la force et à la contrainte
physique. Que n’aurait-on fait pour « sauver leur âme ».
Dieu a-t-il vraiment parlé selon les
paroles qu’on prête à Moïse ?
Selon l’Ancien Testament, le non-respect
des lois religieuses est puni
de la peine de mort.»
Comme indiqué plus haut, il convient donc d’approcher
les livres attribués à Moïse, à savoir le Pentateuque, avec
la plus grande prudence, en gardant sans cesse à l’esprit
que ceux-ci sont l’oeuvre de la caste des prêtres qui, selon
l’expression du professeur, Walter Nigg, théologien
allemand réformé, sont « l’ennemi naturel du prophète ».
Ainsi, en parcourant le Pentateuque il faudrait toujours se
demander : Dieu a-t-il pu tenir de tels propos à Moïse ?
Les passages ci-après, reproduits à titre d’exemple, constituent
à eux seuls la démonstration qu’il n’en est rien.
70
Ainsi, dans Exode (Ex 28, 1-4) on peut lire : « Fais
approcher de toi Aaron, ton frère, et ses fils, et prendsles
parmi les enfants d’Israël pour les consacrer à mon
service dans le sacerdoce : Aaron et les fils d’Aaron,
Nadab, Abihu, Éléazar et Ithamar. Tu feras à Aaron, ton
frère, des vêtements sacrés, pour marquer sa dignité et
pour lui servir de parure. Tu parleras à tous ceux qui sont
habiles, à qui j’ai donné un esprit plein d’intelligence ; et ils
feront les vêtements d’Aaron, afin qu’il soit consacré et
qu’il exerce mon sacerdoce. Voici les vêtements qu’ils
feront : un pectoral, un éphod, une robe, une tunique brodée,
une tiare, et une ceinture. Ils feront des vêtements
sacrés à Aaron, ton frère, et à ses fils, afin qu’ils exercent
mon sacerdoce. » et un peu plus loin Exode (Ex 28,6-
14) « Ils feront l’éphod d’or, de fil bleu, pourpre et cramoisi,
et de fin lin retors ; il sera artistement travaillé. On y fera
deux épaulettes, qui le joindront par ses deux extrémités ;
et c’est ainsi qu’il sera joint. La ceinture sera du même
travail que l’éphod et fixée sur lui ; elle sera d’or, de fil
bleu, pourpre et cramoisi, et de fin lin retors. Tu prendras
deux pierres d’onyx, et tu y graveras les noms des fils
d’Israël, six de leurs noms sur une pierre, et les six autres
sur la seconde pierre, d’après l’ordre des naissances.
Tu graveras sur les deux pierres les noms des fils d’Israël,
comme on grave les pierres et les cachets ; tu les entoureras
de montures d’or. Tu mettras les deux pierres sur
les épaulettes de l’éphod, en souvenir des fils d’Israël ; et
71
c’est comme souvenir qu’Aaron portera leurs noms
devant l’Éternel sur ses deux épaules. Tu feras des
montures d’or, et deux chaînettes d’or pur, que tu
tresseras en forme de cordons ; et tu fixeras aux montures
les chaînettes ainsi tressées. » Et encore, dans Exode
(Ex 28, 31-35) « Tu feras la robe de l’éphod entièrement
d’étoffe bleue. Il y aura, au milieu, une ouverture pour la
tête ; et cette ouverture aura tout autour un bord tissé,
comme l’ouverture d’une cotte de mailles, afin que la robe
ne se déchire pas. Tu mettras autour de la bordure, en
bas, des grenades de couleur bleue, pourpre et cramoisie,
entremêlées de clochettes d’or : une clochette d’or et
une grenade, une clochette d’or et une grenade, sur tout
le tour de la bordure de la robe. Aaron s’en revêtira pour
faire le service ; quand il entrera dans le sanctuaire devant
l’Éternel, et quand il en sortira, on entendra le son des
clochettes, et il ne mourra point.»
Qui peut croire que Dieu se soucie d’un tel luxe et
aspire à tant de pompe pour être honoré. Et comment
imaginer qu’il réclame la mort de tout homme qui ne respecterait
pas ces instructions.
Là encore, la logique se heurte à un problème de
taille : comment le Dieu qui s’exprime à travers Moïse
pourrait-Il à la fois demander la mort et par ailleurs exprimer
le Commandement contraire, à savoir : « Tu ne
tueras pas ! »
72
Les préceptes de l’Eglise en matière d’habits
sacerdotaux et de rites liturgiques sont inspirés
de l’Ancien Testament.
Paroles de Jésus, le Christ, à propos des
pharisiens et des docteurs de la loi. Jérémie
avait prophétisé la falsification des écritures
Les vêtements sacerdotaux revêtus par les cérémoniaires
lors des célébrations religieuses, particulièrement
au sein de l’Eglise catholique, sont très proches de ceux
décrits dans l’Ancien Testament et trouvent leur origine
dans le paganisme. Ainsi, on peut lire dans la Bible (Ex
28, 36-38) : « Tu feras une lame d’or pur, et tu y graveras,
comme on grave un cachet : Sainteté à l’Éternel. Tu l’attacheras
avec un cordon bleu sur la tiare, sur le devant de la
tiare. Elle sera sur le front d’Aaron ; et Aaron sera chargé
des iniquités commises par les enfants d’Israël en faisant
toutes leurs saintes offrandes ; elle sera constamment sur
son front devant l’Éternel, pour qu’il leur soit favorable. »
De même, l’utilisation d’huiles saintes telle que le rapporte
l’Ancien Testament, rappelle tout à fait la ‘sainte
onction’ pratiquée encore de nos jours. Voici ce qu’on
peut lire dans le Lévitique (Lv 8, 11-12) : « Il en fit sept
fois l’aspersion sur l’autel, et il oignit l’autel et tous ses
ustensiles, et la cuve avec sa base, afin de les sanctifier.
Il répandit de l’huile d’onction sur la tête d’Aaron, et
l’oignit, afin de la sanctifier. »
73
Cela rappelle encore certains rituels toujours en
vigueur de nos jours et pratiqués lors de l’inauguration
d’une église ou à l’occasion de l’intronisation dans leurs
fonctions d’un prêtre, d’un évêque ou d’un Pape. A cet
égard, les directives à respecter sont extrêmement
précises et pour tout dire, aussi incompréhensibles que
celles dont nous parle l’Ancien Testament.
Mais qu’a dit Jésus à propos du culte et de tout ce qui
s’y rattache ?
En substance, il a dit : Tu es le temple de l’Esprit-Saint.
Orne ton âme de la parure de la vertu, avec de bonnes
pensées, des pensées qui correspondent à la volonté
de Dieu. Vis selon les Dix Commandements de Dieu et
conforme-toi aux Lois de la vie - par exemple au Sermon
sur la Montagne - que J’ai apportées aux hommes,
mais il n’a jamais évoqué la nécessité de se conformer
à des rites ni de s’en remettre à quiconque, et donc à un
prêtre.
C’est d’ailleurs ce langage qu’ont toujours tenu les vrais
prophètes. Ainsi, Jérémie s’exprime-t-il de la façon suivante
dans l’Ancien Testament: « Comment pouvezvous
dire : ‘Nous sommes sages, la loi de l’Éternel est
avec nous’ ? C’est bien en vain que s’est mise à l’oeuvre
la plume mensongère des scribes. » (Jr 8, 8).
Les grands prophètes se sont toujours élevés contre
la falsification et la confiscation par les prêtres de la Parole
de Dieu. L’Ancien Testament fourmille de tels pas74
sages qui, depuis le temps, devraient avoir ouvert les
yeux de beaucoup.
On pourrait mettre en parallèle le côté théâtral adopté
par les prêtres, entre autres la mise en scène vestimentaire
des cérémonies religieuses, avec cette phrase de
Jésus rapportée dans l’évangile de Matthieu : « Toutes
leurs actions, ils les font pour se faire remarquer des
hommes. Ils élargissent leurs phylactères et allongent
leurs franges. Ils aiment à occuper les premières places
dans les dîners. Ils aiment à être salués sur les
places publiques et à s’entendre appeler « maître » par
les hommes. » (Mt 23, 5-7) On peut également rappeler
ce passage que nous avons déjà cité : «…ne vous
faites pas appeler maître car vous n’avez qu’un seul
maître et vous êtes tous frères. N’appelez personne
sur la Terre votre Père car vous n’en avez qu’un seul,
le Père céleste. » (Mt 23, 8) qui témoigne que Jésus a
toujours prêché en faveur de l’égalité et non pour l’instauration
d’une hiérarchie de prêtres et de fonctionnaires
écclésiastiques.
Il a dit « Suivez-Moi ! » (Mt 4, 19), c’est-à-dire suivez
le Christ en vous car Il est le chemin, la vérité et la vie,
mais n’a jamais demandé aux hommes de s’en remettre
à d’autres hommes .
75
Quand l’Ancien Testament parle des sacrifices
comme d’ «... une odeur agréable à l’Eternel ...»
Jésus est toujours intervenu en faveur
des animaux
Il y a 2000 ans, Jésus nous a dit ce qu’il pensait des
holocaustes et autres formes de sacrifices d’animaux.
Ce sont, bien sûr, les écrits apocryphes qui nous
renseignent le mieux à ce sujet. Ceux que la rage destructrice
des autorités de l’Eglise a épargnés nous montrent
un Jésus préoccupé tout aussi bien du salut des
hommes que du sort des animaux, un Jésus plein d’amour
et de compassion, n’hésitant pas à s’opposer aux mauvais
traitements qu’on leur inflige. Pour tout chrétien de
coeur, cela ne fait d’ailleurs aucun doute tant il est vrai
que l’amour est indivisible. Comme l’a dit Lamartine : « On
n’a pas deux coeurs, l’un pour les hommes et l’autre pour
les animaux ; on a un coeur ou on n’en a pas. » Dans ces
conditions, comment imaginer que Jésus ait pu ignorer le
sort de ces créatures innocentes. Le mépris majuscule
dont l’Eglise a toujours fait preuve à leur égard ne saurait
empêcher les hommes de coeur de percevoir où se trouve
la vérité.
Pour autant, le Nouveau Testament – c’est-à-dire les
documents qui ont eu l’heur de plaire aux autorités spirituelles
de l’Eglise naissante – laisse transparaître ici
ou là des informations sur la nature des rapports que
76
Jésus entretenait avec les animaux. Ainsi, on nous
apprend que dans le désert où il s’était retiré 40 jours,
Jésus vécut entouré d’animaux sauvages qui lui tenaient
compagnie. Un autre passage célèbre décrit la façon
dont Jésus libéra les animaux amenés au temple pour
y être vendus dans le but d’être sacrifiés.
A l’inverse, voici comment s’expriment les prêtres dans
l’Ancien Testament : « Si son offrande est un holocauste
de gros bétail, il offrira un mâle sans défaut ; il l’offrira à
l’entrée de la tente d’assignation, devant l’Éternel, pour
obtenir sa faveur. Il posera sa main sur la tête de l’holocauste,
qui sera agréé de l’Éternel, pour lui servir d’expiation.
Il égorgera le veau devant l’Éternel ; et les sacrificateurs,
fils d’Aaron, offriront le sang, et le répandront
tout autour sur l’autel qui est à l’entrée de la tente d’assignation.
Il dépouillera l’holocauste, et le coupera par morceaux.
Les fils du sacrificateur Aaron mettront du feu sur
l’autel, et arrangeront du bois sur le feu. Les sacrificateurs,
fils d’Aaron, poseront les morceaux, la tête et la graisse,
sur le bois mis au feu sur l’autel. Il lavera avec de l’eau
les entrailles et les jambes ; et le sacrificateur brûlera le
tout sur l’autel. C’est un holocauste, un sacrifice consumé
par le feu, d’une odeur agréable à l’Éternel. » (Lv 1, 3-9)
« Une odeur agréable à l’Eternel », voilà des termes
qui rappellent étrangement le paganisme dont l’un des
aspects essentiels consistait justement dans le fait
d’apaiser l’humeur des dieux.
77
Et cela se poursuit avec force détails plus terribles
les uns que les autres pour se conclure ainsi : « ce fut
l’holocauste, ce fut un sacrifice consumé par le feu, d’une
agréable odeur à l’Éternel, comme l’Éternel l’avait ordonné
à Moïse. » (Lv 8, 21)
Plus loin encore, vient une description sur la manière
de sacrifier une tourterelle ou un pigeon : « Le sacrificateur
sacrifiera l’oiseau sur l’autel ; il lui ouvrira la tête avec
l’ongle, et la brûlera sur l’autel, et il exprimera le sang
contre un côté de l’autel. » (Lv 1, 15)
Comme indiqué plus haut, en aucun cas ces horreurs
ne peuvent être imputées à Moïse et encore moins à
Dieu. Elles ont été introduites par la caste des prêtres,
bien après Moïse.
En effet, comment le Dieu de la Génèse pourrait-il
s’exprimer de la sorte après avoir dit : « Voici, je vous
donne toute herbe portant de la semence et qui est à la
surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit
d’arbre et portant de la semence : ce sera votre nourriture.
Et à tout animal de la terre, à tout oiseau du ciel, et à
tout ce qui se meut sur la terre, ayant en soi un souffle de
vie, je donne toute herbe verte pour nourriture. Et cela fut
ainsi. Dieu vit tout ce qu’il avait fait et voici, cela était très
bon. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le
sixième jour. » (Gn1, 29-31)
Rappelons une nouvelle fois que peu de temps avant
d’avoir prétendument prononcé ces paroles, Dieu a
78
donné à Moïse les Dix Commandements, parmi lesquels
se trouve le fameux : « Tu ne tueras pas ! »
Pour le Saint-Siège, Ancien et Nouveau
Testaments sont « la vraie parole de Dieu ».
Le Dieu de l’Ancien Testament est un Dieu
païen et cruel
La raison pour laquelle Dieu, notre Père éternel, a
envoyé le Christ, Son Fils, vers les hommes ressort clairement
de ce qui vient d’être dit plus haut. Il fallait
absolument mettre un terme à ces rituels tout droit issus
du paganisme et qui relèvent de la magie. En effet, ces
pratiques éloignent et détournent les hommes de Dieu,
les empêchant d’accéder à la vie spirituelle véritable, la
vie intérieure. Ainsi, l’enseignement que Jésus délivra aux
hommes de son temps et de ceux à venir, permit d’enrailler
ces dérapages. En effet, Jésus s’est toujours positionné
clairement contre la caste des prêtres, qui utilise
Dieu à ses propres fins.
Sans doute certains penseront-ils que tout cela appartient
au passé. Nous leur conseillerons de s’intéresser de
plus près à ce que la caste des prêtres affirme aujourd’hui
encore officiellement. Ainsi, sait-on que pour l’Eglise :
« L’Ancien Testament avait pour principale raison d’être
de préparer l’avènement du Christ sauveur du monde ».
Comment convient-il d’interpréter une telle affirmation ?
79
Pour l’Eglise catholique, le « Pentateuque » constituerait
la véritable parole de Dieu au même titre que l’enseignement
de Jésus. Ainsi, le Dieu de l’amour côtoieraitil
celui de la haine et de la vengeance sans le moindre
problème.
Rappellons ici ce que ce Dieu aux multiples visages
est capable de dire : « Quand un homme insulte son père
ou sa mère, qu’il soit mis à mort » (Lv 20, 9) ou encore
« Quand un homme commet l’adultère avec la femme de
son prochain, qu’ils soient mis à mort, l’homme adultère
aussi bien que la femme adultère. » (Lv 10,13) et encore
« Quand un homme couche avec un homme comme on
couche avec une femme, ce qu’ils ont fait tous les deux
est une abomination ; qu’ils soient mis à mort. » (Lv 10,
15), etc…
Et pour citer un passage du Deutéronome: « Lorsqu’un
homme a un fils rebelle et révolté, qui n’écoute ni
son père ni sa mère, s’ils lui font la leçon et qu’il ne les
écoute pas, alors son père et sa mère s’empareront de
lui et l’amèneront aux anciens de sa ville, à la porte de
sa localité. Ils diront aux anciens : « Voici notre fils, un
rebelle et un révolté, qui ne nous écoute pas ; il s’empiffre
et il boit ! » Tous les hommes de sa ville le lapideront,
et il mourra. » (Dt 21, 18-21)
Et ceci constitue une infime partie des prescriptions
toutes plus cruelles et monstrueuses les unes que les
autres, dont cet ouvrage regorge.
80
On pourra bien sûr rétorquer que ces récits correspondent
à une époque maintenant révolue et qu’ils n’ont
plus désormais qu’un intérêt historique. A ceux qui avanceraient
ce point de vue, nous serions au regret d’apprendre
qu’ils sont mal informés et que l’Eglise elle-même
réfute cet argument ! En effet, en 1965, lors du célèbre
Concile Vatican II au cours duquel l’Eglise est sensée
avoir pris un tournant décisif vers la modernité, il fut
décidé ( à lire dans le chapitre du cathéchisme de l’Eglise
catholique ayant pour titre : La Sainte Écriture dans la
vie de l’Eglise) : L’Ancien Testament est une partie
inamissible de l’Écriture Sainte. Ses livres sont divinement
inspirés et conservent une valeur permanente (cf.
DV 14) car l’Ancienne Alliance n’a jamais été révoquée.
En effet, « l’Economie de l’Ancien Testament avait pour
principale raison d’être de préparer l’avènement du
Christ Sauveur du monde ». « Bien qu’ils contiennent
de l’imparfait et du provisoire », les livres de l’Ancien
Testament témoignent de toute la divine pédagogie de
l’amour salvifique de Dieu : « En eux se trouvent de
sublimes enseignements sur Dieu, une bienfaisante
sagesse sur la vie humaine, d’admirables trésors de
prière ; en eux enfin se tient caché le mystère de notre
salut » (DV 15).
Les Chrétiens vénèrent l’Ancien Testament comme
vraie Parole de Dieu. L’Eglise a toujours vigoureusement
repoussé l’idée de rejeter l’Ancien Testament sous
81
prétexte que le Nouveau l’aurait rendu caduc (Marcionisme).
L’Eglise, déjà aux temps apostoliques (cf. 1 Co
10, 6. 11 ; He 10, 1 ; 1 P 3, 21), et puis constamment
dans sa tradition, a éclairé l’unité du plan divin dans les
deux Testaments grâce à la typologie. Celle-ci discerne
dans les oeuvres de Dieu dans l’Ancienne Alliance des
préfigurations de ce que Dieu a accompli dans la plénitude
des temps, en la personne de son Fils incarné.
Toute l’Écriture divine n’est qu’un seul livre, et ce seul
livre c’est le Christ, « car toute l’Écriture divine parle du
Christ, et toute l’Écriture divine s’accomplit dans le
Christ » (Hugues de Saint Victor, De arca Noe 2, 8 : PL
176, 642 ; cf. ibid. 2, 9 : PL 176, 642-643: PL 176, 642C).
On aura du mal à l’admettre, mais pour l’Eglise, toutes
les atrocités contenues dans l’Ancien Testament
sont le produit de l’Esprit-Saint.
Enormes contradictions entre l’enseignement
de l’Eglise et celui de Jésus. Pour camoufler
son inclination pour l’Ancien Testament,
l’Eglise abuse du nom de «Jésus-Christ »
Jésus a pourtant enseigné tout autre chose.
Dans ces conditions, la question suivante se pose :
pourquoi, deux mille ans après sa venue, existe-t-il aujourd’hui
encore une caste de prêtres agissant dans l’esprit
de l’Ancien Testament ?
82
Dieu a-t-il envoyé Son Fils sur la Terre pour rien ou
pour le seul profit de la caste des prêtres d’aujourd’hui
qui utilisent le nom de « Jésus » comme autrefois ils se
servaient de celui de « Moïse » pour faire valoir leurs
conceptions et leurs intérêts ?
Comment ne pas remarquer à travers toutes ces
contradictions le fossé existant entre le Dieu cruel de
l’Ancien Testament et celui profondément aimant dont
parle Jésus tout au long de son enseignement ?
Dans le Sermon sur la Montagne - connu aussi sous
le terme de « Béatitudes » - que nous révèle l’Evangile
de Matthieu, Jésus s’exprime ainsi :
«Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des
cieux leur appartient !
Heureux les affligés, car ils seront consolés !
Heureux les débonnaires, car ils hériteront la terre !
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils
seront rassasiés !
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde
!
Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront
Dieu !
Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront
appelés fils de Dieu !» (Mt 5, 3-9)
Et un peu plus loin, voilà ce qu’il dit à propos de la
prière : «Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les
83
hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues
et aux coins des rues, pour être vus des hommes.
Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense.
Mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta
porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret ; et ton
Père, qui voit dans le secret, te le rendra.» (Mt 6, 5-6)
Et les autres passages de cet évangile, ci-après,
auraient dû depuis longtemps faire réfléchir ceux qui se
prétendent les représentants de Dieu sur Terre et les
amener à se remettre en question : « Quiconque s’élèvera
sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera
élevé. » (Mt 23,12) Et que dit Jésus concernant la caste
des prêtres ? « Mais vous, ne vous faites pas appeler
Rabbi ; car un seul est votre Maître, et vous êtes tous
frères. Et n’appelez personne sur la terre votre père ;
car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux »
(Mt 23, 8-9) et plus loin encore : « Malheur à vous, scribes
et pharisiens hypocrites ! parce que vous courez la
mer et la terre pour faire un prosélyte ; et, quand il l’est
devenu, vous en faites un fils de la géhenne deux fois
plus que vous. Malheur à vous, conducteurs aveugles !
qui dites : Si quelqu’un jure par le temple, ce n’est rien ;
mais, si quelqu’un jure par l’or du temple, il est engagé. »
(Mt 23,15-16)
Enfin, dans Matthieu (Mt 23, 13), on peut lire également
: « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites
! Parce que vous fermez aux hommes le royaume
84
des cieux ; vous n’y entrez pas vous-mêmes, et vous
n’y laissez pas entrer ceux qui veulent entrer.»
Après avoir pris connaissance de ces propos – et
les gens d’Eglise les connaissent mieux que quiconque
- comment peut-on encore affirmer que « Ces livres
(l’Ancien Testament) sont divinement inspirés et conservent
une valeur permanente car l’Ancienne Alliance
n’a jamais été révoquée… En effet, « l’Economie de l’Ancien
Testament avait pour principale raison d’être de
préparer l’avènement du Christ Sauveur du monde » ?
Qui était Jésus ?
De quel milieu venait-il ?
Jésus, fils de Marie et Joseph est né dans un milieu
simple et modeste. Jésus était issu de la lignée de David
et de la tribu de Juda. D’un point de vue symbolique,
ceci est particulièrement intéressant car cela signifie que
Jésus n’aurait jamais pu devenir prêtre, ceux-ci étant
issus exclusivement de la tribu de Lévi et devant par
ailleurs, descendre d’Aaron. Jésus ne remplissait donc
aucune de ces deux conditions. Jésus, le Fils de Dieu,
avait choisi de naître au sein du peuple, d’être un homme
du peuple.
En tant que tel, il n’était donc pas prisonnier du carcan
de la tradition et il a ainsi pu transmettre un enseignement
libre, non doctrinal, et porter à la connaissance
de tous les merveilleuses lois de la vie qui sont à l’opposé
des rites et des dogmes rigides de l’institution.
85
Les chrétiens des origines se sont donnés pour tâche
de rappeler cette vérité à tous ceux qui sont prêts à
l’entendre, de sorte que toute confusion soit levée et
que chacun soit en mesure de reconnaître que les institutions
qui ont endossé le manteau « chrétien » et qui
affirment être les représentantes de son enseignement,
n’ont absolument rien de commun avec le véritable enseignement
de Jésus de Nazareth.
86
87
Cette série d’articles repose, à l’origine, sur un cycle
d’émissions de radio intitulées également : Pour les
esprits critiques : Qui se cache derrière le « Saint-
Siège » ? Dans le cadre de cette diffusion, de nombreux
auditeurs nous ont écrit pour nous demander des
explications, des précisions sur tel ou tel sujet. Dans ce
chapitre, nous avons reproduit ces questions ainsi que
les réponses qui leur ont été apportées car elles sont
susceptibles d’intéresser les lecteurs.
Jésus et les premiers chrétiens étaient-ils végétariens
?
Question :
« Je suis végétarienne, mais lorsque j’aborde ce sujet
avec mes amis, ils me rétorquent souvent que la Bible
ne mentionne nulle part que Jésus n’aurait pas mangé
de viande. Comment cela se fait-il ? Par ailleurs, vous
affirmez que Dieu n’a jamais voulu que les hommes
A consulter :
Quelques thèmes édifiants
88
pratiquent les holocaustes décrits dans l’Ancien Testament
et aussi que Jésus était contre le fait de tuer les
animaux. Y-a-t-il des références écrites à ce sujet ? »
Réponse :
On ne peut pas vraiment répondre à cette question
si on fait l’impasse sur un aspect fondamental, méconnu
de la plupart des gens, à savoir que les textes et documents
auxquels nous nous référons aujourd’hui – en
l’occurrence, il s’agit de la Bible – ont une histoire, un vécu
pourrait-on dire. Ils ont été façonnés au cours des siècles
en fonction des impératifs recherchés par ceux qui en
étaient dépositaires. C’est l’un des objectifs de cette série
de rappeler cette histoire et de révéler les buts ayant
présidé aux choix rédactionnels. Ainsi, la Bible, telle que
nous la connaissons aujourd’hui, a connu une élaboration
très longue qui s’est faite d’ajouts successifs mais
aussi de rejets.
Un moment essentiel de cette histoire s’est déroulé
au 4ème siècle de notre ère. Il s’agit du travail de traduction
de la Bible effectué par Jérôme, un clerc de l’Eglise,
à la demande du pape Damase. En effet, il circulait alors
plusieurs versions de la Bible assez éloignées les unes
des autres et le pape en question souhaitait assainir
cette situation. Jérôme qui était connu pour ses talents
de traducteur effectua donc ce travail colossal qui lui prit
plusieurs années. Il traduisit tout d’abord les Evangiles à
89
partir de la version latine existante qu’il estimait la moins
dénaturée et se référa, là où il eut des doutes sur le sens,
à une version grecque sensée être moins altérée.
Pour traduire l’Ancien Testament, Jérôme s’appuya
sur la version en hébreu afin de retrouver ce qu’il appelait
« la vérité hébraïque » de l’Ancien Testament. Son
travail de traduction ayant donné satisfaction aux autorités
de l’Eglise, il reçut leur imprimatur, et c’est cette
version qui fit référence jusqu’au 15ème siècle sous le
nom de Vulgate.
Jérôme qui disposait d’un grand savoir, n’était néanmoins
pas à l’abri de contradictions, la plus importante
étant celle qui mettait aux prises sa fidélité envers l’Eglise
dont il était membre et sa probité intellectuelle. En effet,
dans le cadre de son étude des plus anciennes versions
de la Bible, il fut amené à découvrir des aspects qui avaient
été rejetés et ne figuraient plus dans les versions suivantes.
Il n’est pas question de discuter ici de la façon dont
Jérôme résolut ces contradictions avec plus ou moins de
succès et d’honnêteté intellectuelle, mais cela apporte un
éclairage très instructif sur ce que nous considérons aujourd’hui
comme des vérités immuables mais qui en fait
ne l’ont jamais été. Parmi ces dernières, celle qui se rapporte
aux relations de Jésus avec les animaux est une
des plus importantes et déterminantes car elle pose la
question du statut de l’homme dans la création. Ainsi,
90
pour répondre à la question du végétarisme, voilà ce
que l’on peut lire sous la plume de Jérôme lui-même,
dans une lettre polémique connue en français sous le
titre de « Contre Jovinien » (Adversus Jovinianum) : « Jusqu’au
déluge la consommation de chair animale était inconnue,
mais depuis le déluge on nous a gavé la bouche
des fibres et du jus puant de la chair animale. Jésus-
Christ qui est apparu quand les temps furent accomplis,
a relié la fin avec le commencement, de sorte qu’il
ne nous est plus permis de manger de la viande. »
A la lecture de cette phrase, il ressort très clairement
que, selon Jérôme, l’un des meilleurs, sinon le meilleur,
spécialiste de la Bible de son temps, Jésus aurait enseigné
de ne pas manger de viande.
On pourrait encore éclairer ce thème sous un autre
aspect historique. Pour ceux de nos lecteurs qui ne le
savent pas, la Bible « officielle » résulte d’un choix humain
et arbitraire puisque certains textes ont été jugés
dignes d’y figurer et d’autres non. Pourquoi ? En fonction
de quels critères ? Sans vouloir attribuer une volonté
machiavélique à tous ceux qui ont effectué ces
choix, on est en droit de considérer qu’ils ont souvent
relevé d’un parti pris idéologique, à savoir qu’on a conservé
les documents qui légitimaient une certaine vision
du christianisme en voie d’institutionnalisation et
rejeté tous ceux qui pouvaient s’y opposer. Or, il semble
bien qu’une ligne de fracture importante réside pré91
cisément dans la question des animaux. La plupart des
documents, évangiles et autres, qui ont été mis à l’index
accordent une grande importance à cet aspect. De nombreux
écrits apocryphes confirment non seulement que
Jésus aimait les animaux mais aussi et surtout que la
venue du Christ sur la Terre, la Bonne nouvelle qu’il a
apportée au monde ne concerne pas que les hommes
mais la Terre entière, y compris le monde animal. Le fait
que Jésus et ses apôtres étaient végétariens découle en
toute logique de cette vision unifiée du monde.
Pourquoi Jérôme a-t-il laissé figurer dans la
Bible des passages qui témoignent du vrai
visage du Saint-Siège ?
Question :
Dans la 1ère émission de votre série (il s’agit ici du 1er
chapitre de ce livre), vous avez cité un passage de
l’Apocalypse dans lequel Jean incite fortement le
peuple à quitter l’Eglise. Comment se fait-il qu’un tel
passage ait été conservé dans la Bible alors que
l’Eglise en a falsifié tant d’autres ?
Que signifie sortir de l’Eglise ? Que faut-il faire pour
cela ?
Réponse :
Le passage auquel vous faites allusion se trouve
dans l’Apocalypse de Jean (Ap 18, 4) : « Sortez de cette
92
cité, ô mon peuple, de peur de participer à ses péchés,
et de partager les fléaux qui lui sont destinés. »
Généralement, on l’interprète en effet comme une
invitation à quitter Babylone, la prostituée, identifiée au
cours des siècles à l’Eglise qui s’est bâtie sur le cadavre
du christianisme des origines qu’elle avait pris soin
d’anéantir.
La question que vous nous posez est donc de savoir
comment un passage aussi critique envers l’Eglise a pu
échapper à la vigilance des censeurs patentés de l’institution
? En fait, nous le devons en grande partie à Jérôme,
dont nous venons de parler. Comme nous venons
de le voir, Jérôme était un personnage ambigu et complexe.
Il est revenu plusieurs fois sur son travail de traducteur
et sur les difficultés de cette tâche qu’il a essayé
de mener avec un maximum de rigueur. Toutefois,
c’était aussi un homme ambitieux qui savait parfaitement
mesurer les dangers à éviter pour ne pas compromettre
ses projets et sa situation. De plus, il était lui-même
un homme de conviction qui disposait de ses propres
visions et interprétations du christianisme. Son travail
se situe donc à la croisée de toutes ces contradictions.
C’est ainsi qu’il a pu écrire : «Y aura-t-il quelqu’un pour
ne pas me traiter de falsificateur et d’auteur de sacrilèges
lorsqu’il prendra cette Bible entre ses mains, car j’ai
eu la hardiesse d’ajouter certaines choses aux livres anciens,
de transformer d’autres choses ou d’en améliorer
93
le contenu. » (J.P. Migne, Patrologiae cursus completus,
series Graeca – MPG – 29, Sp. 525 ff.)
Jérôme avait donc tout à fait conscience de prendre
des décisions arbitraires, de sa propre autorité.
Pour donner une idée de la complexité du personnage,
il faut savoir que Jérôme nourrissait certaines
ambitions au sein de l’Eglise et qu’il ne lui aurait pas
déplu d’accéder à la responsabilité suprême, celle de
pape, dont il a toujours été très proche, ce qui lui aurait
d’ailleurs permis de faire triompher ses convictions.
Ainsi, après avoir tout d’abord été assez longtemps proche
d’Origène sur le plan des idées, il s’en éloigna par
la suite pour ne pas compromettre son avenir en se faisant
taxer d’hérétique, ce qui l’aurait mis au ban de
l’Eglise et de la société. On sait, en effet, que la pensée
d’Origène, le père du courant gnostique chrétien, était
l’objet de grandes controverses et qu’elle était regardée
d’un oeil de moins en moins favorable et bienveillant par
les autorités de l’Eglise au point que sa doctrine fut condamnée
au concile de Constantinople. Jérôme qui avait
une perception fine de toutes ces subtilités, entreprit de
suivre un chemin de compromis qui lui permit de louvoyer
à sa guise, sans encourir trop de dangers. Son
travail porte la marque de ce positionnement, parfois en
retrait par rapport aux enseignements de Jésus, en particulier
par rapport aux animaux, mais parfois aussi plus
audacieux quand il choisit de laisser figurer dans la Bible
94
des aspects remarquables qui, au cours des siècles,
ont poussé beaucoup de gens à réfléchir à la distance
qui existe entre l’enseignement de Jésus d’une part et
la réalité institutionnelle de l’Eglise d’autre part. Il s’agit
par exemple de passages de la Bible tels que celui où
Jésus indique « …ne vous faites pas appeler maître
» (Mt 23, 8), celui où il exprime que « Celui qui prend
l’épée périra par l’épée. » (Mt 26, 52) ou encore le passage
de l’Apocalypse de Jean qui est à l’origine de cette
question.
En tout état de cause, une chose reste sûre : si Jérôme
a été canonisé par l’Eglise, c’est parce qu’il a globalement
accompli un travail qui donnait satisfaction à
cette dernière. Et, en effet, les « audaces » de Jérôme
dont il est question ci-dessus sont restées largement
circonscrites et ne l’étaient pas au point d’ébranler l’Eglise
et son pouvoir.
Incontestablement, la Vulgate dont Jérôme est le père
est restée un instrument de domination particulièrement
efficace entre les mains expertes des autorités cléricales.
Cela valait bien une reconnaissance en forme
d’auréole.
95
Pour être canonisé par l’Eglise il faut lui avoir
été soumis. En l’occurrence, le fait d’avoir ou
pas été un pécheur ne joue aucun rôle
D’où il ressort la constatation suivante :
Pour être canonisé par l’Eglise catholique, il faut lui
avoir rendu service et donc lui avoir été soumis. Le fait
d’avoir commis ou pas des péchés ne joue aucun rôle.
A l’appui de cette thèse, on pourrait citer de nombreux
exemples, le plus fameux étant celui de l’empereur Constantin,
l’un des tous premiers saints de l’Eglise dont il sera
largement question au chapitre suivant. Il s’agissait d’un
homme extrêmement cruel qui n’hésita pas à faire assassiner
ses plus proches parmi les proches : sa femme,
son fils et ses alliés. Comment un individu aussi peu recommandable
s’est-il vu offrir des ailes de saint : tout simplement
en accordant à l’Eglise de nombreux avantages
et privilèges. Il s’agissait de sa part d’un choix parfaitement
machiavélique et intéressé, mais cela renforça son
pouvoir et il n’eut ainsi qu’à se louer de cette coopération
parfaitement assumée de part et d’autre.
Sortir de l’Eglise :
Comment s’y prendre ?
On nous demande souvent comment s’y prendre pour
quitter l’Eglise ?
96
Réponse :
La démarche peut être différente d’un pays à l’autre.
Il convient donc de se renseigner au cas par cas, toutefois,
à titre d’exemple, nous pouvons indiquer la manière
dont cela se passe en Allemagne où il n’y a pas
de séparation entre l’Eglise et l’Etat.
Il y a lieu de se rendre auprès de l’administration compétente,
remplir un formulaire et, malheureusement, payer
une taxe ! Le fait d’être obligé d’accomplir cette démarche
auprès d’une administration de l’Etat et non de l’Eglise,
montre bien l’imbrication de l’Eglise et de l’Etat dans ce
pays.
La dépense engagée pour une telle démarche est
cependant minime au regard des économies réalisées
par la suite ! De simples calculs montrent en effet qu’une
personne ayant payé des impôts ecclésiastiques toute sa
vie en Allemagne aurait pu aisément, avec cet argent,
financer une retraite confortable ou un logement.
Dans d’autres pays, comme la France par exemple,
il existe des listes de baptême et il est possible d’écrire
à l’évêché de la région où l’on a été baptisé pour demander
que son nom soit effacé de ces listes.
Comment le pouvoir politique a usé de la force
pour imposer au peuple les privilèges des
prêtres ?
97
Question :
« Vous affirmez qu’on trouve dans l’Ancien Testament
des éléments issus du paganisme babylonien.
Sur quoi vos propos sont-ils étayés ? »
Réponse :
L’histoire enseigne que les Israélites (Royaume de
Juda) furent déportés à Babylone en 3 étapes successives
au cours du 6ème siècle avant Jésus-Christ. Là,
ils vécurent en captivité pendant plusieurs générations.
A la prise de Babylone par Cyrus, le roi des Perses, ils
furent autorisés à retourner en Palestine. On estime que
60 000 d’entre eux prirent ainsi le chemin du retour en
Terre promise où l’une de leurs premières réalisations
consista à entreprendre la reconstruction du temple de
Jérusalem que les Babyloniens avaient détruit. C’est
ainsi que dans le livre d’Esdras (Esd 6, 3) on peut lire :
« La première année du roi Cyrus, le roi Cyrus a donné
cet ordre au sujet de la maison de Dieu à Jérusalem :
Que la maison soit rebâtie, pour être un lieu où l’on offre
des sacrifices, et qu’elle ait de solides fondements… »
On le voit, la décision de reconstruire le temple est
couplée avec la perspective d’y pratiquer les holocaustes
d’animaux. Pourtant, à de multiples reprises, dans
l’Ancien Testament, plusieurs prophètes, et parmi les
plus importants, s’expriment clairement contre les pratiques
sacrificielles.
98
A la lecture d’Esdras on ne peut donc que s’interroger
en constatant ces contradictions. Et voici ce que l’on
peut lire encore (Esd 3, 12) : « Cependant maints prêtres,
maints lévites et chefs de famille déjà âgés et qui
avaient vu le premier temple pleuraient très fort tandis
qu’on posait les fondations sous leurs yeux mais beaucoup
d’autres élevaient la voix en joyeuses clameurs. »
Ainsi, les uns clament leur joie quand les autres expriment
leur douleur. Mais pourquoi pleurent-ils ceux qui
ont connu le 1er temple et qui gardent le souvenir du
temps d’avant ? Peut-être souffrent-ils de constater
qu’on est en train d’introduire dans le culte israélite quelque
chose qui n’a rien à voir avec la volonté de Dieu telle
que les prophètes l’ont exprimée ? Et, en effet, il semble
bien que tous n’aient pas approuvé ce qui était en train
de se passer puisque Esdras nous indique (Esd 6, 11) :
« Le premier ordre du Roi Cyrus fut : « Que celui qui
transgresse ces lois soit empalé sur une poutre arrachée
de sa maison et dressée pour cette occasion et
que sa maison soit mise en ruines. »
Mais pourquoi se serait-on opposé aux décisions du
roi si celles-ci avaient exprimé la volonté de Dieu ? Et
pourquoi annoncer des sanctions aussi cruelles si ce
n’est parce qu’une partie du peuple s’opposait à ces décisions
?
Se peut-il que le décret de Cyrus ait eu pour but de
mettre au pas et d’éliminer tous ceux qui connaissaient
99
la volonté de Dieu et son opposition aux sacrifices d’animaux
?
Esdras chargé d’ériger les fondations du nouveau
temple et de retravailler les textes pour leur rendre leur
« pureté » originelle portait une double casquette. Il était
à la fois docteur et scribe, c’est-à-dire prêtre, en même
temps que fonctionnaire de l’empire perse, une sorte de
ministre des affaires juives auprès de l’empereur qu’il
servit avec la plus grande loyauté.
Bien entendu, il convenait de sauver les apparences
et d’apparaître sous le meilleur jour possible et c’est
pourquoi on tente de nous faire croire que c’est le maître
qui mangeait dans la main du serviteur. Ainsi, dans
Esdras (Esd 7, 6) on lit : « Cet Esdras monta de Babylone.
C’était un scribe versé dans la loi de Moïse donnée
par Yahvé, Roi d’Israël. Comme la main de Yahvé,
son Dieu était sur lui, le roi lui accordait tout ce qu’il
demandait. »
A qui voudra-t’on faire croire cela ? En vérité, les
questions qu’il convient de se poser sont les suivantes
: Pourquoi l’empereur l’avait-il choisi ? Pour quelle
mission ? Celle consistant à restaurer la loi de Dieu, à
accomplir Sa volonté ou celle consistant à servir les
intérêts politiques de son mentor. En poussant les juifs
à adopter des coutumes païennes importées de Babylone
– les sacrifices d’animaux – on avait peut-être tout
simplement pour objectif d’en faire des sujets plus doci100
les et fidèles car mieux respectueux des valeurs de l’empire
?
Le fait de reformuler le 5ème Commandement de
« Tu ne tueras pas » en « Tu ne commettras pas
de meurtre » permet de justifier le fait de tuer,
dans « certaines circonstances »
Toute personne sensée ne manquera pas de se demander
par quel détour le Dieu des 10 Commandements
et du célèbre « Tu ne tueras pas » peut également être
celui qui ordonne de telles choses ? Voilà un Dieu bien
peu conséquent et fort versatile qui change d’idée
comme d’autres de chemise. Un tel Dieu ne le serait
pas plus que nous ni vous, chers lecteurs, car il aurait
alors des réactions parfaitement humaines. Mais le Dieu
dont les prophètes et Jésus de Nazareth nous parlent,
lui est divin et absolu.
Pour quelqu’un qui voit les choses ainsi, il n’existe
qu’une hypothèse pour expliquer ces variations dans la
parole de Dieu : on a placé dans sa bouche des paroles
qui ne sont pas les siennes et on lui fait tenir des propos
qu’Il n’a jamais dits. En falsifiant sa parole, on a fait du
Dieu de l’amour et de la vie un dieu cruel et mortifère.
En ce qui la concerne, l’Eglise s’est toujours accordé
le droit d’interpréter l’enseignement de Jésus à sa
guise. Dans le cas du 5ème Commandement, elle a pris
101
très tôt l’habitude de considérer que si celui-ci devait
bel et bien s’appliquer aux individus placés sous sa dépendance,
il ne s’appliquait toutefois pas à elle-même.
Ainsi, tout au long de son histoire, elle a pu légitimer les
croisades, les guerres de conquête, la mise en esclavage
de millions d’individus, leur conversion forcée, l’inquisition,
la chasse aux sorcières, etc…
Pour justifier leur comportement, certains n’hésitent pas
à opérer un petit glissement sémantique. A la suite de nombreux
rabbins, ils prétendent que l’expression « Tu ne tueras
pas » correspondrait à une mauvaise traduction de la
volonté de Dieu et que celle-ci a, en fait, été formulée de la
façon suivante « Tu ne commettras pas de meurtre »*.
On le sait, depuis longtemps, le meurtre est un acte juridiquement
répréhensible et vaut encore la peine de mort à
son auteur, dans beaucoup de pays. Par contre, le fait de
tuer, peut être parfaitement admis dans certaines circonstances
et situations, la guerre étant l’une d’entre elles. Et
l’on a rarement vu l’Eglise s’opposer à l’Etat dans ce domaine.
Au contraire, c’est souvent avec la bénédiction des
autorités ecclésiastiques que les soldats montent au front
et se livrent à toutes sortes d’atrocités et d’exactions sur
les populations civiles. Gott mit uns !**
* Voir par exemple la T.O.B. (Traduction OEucumènique de la
Bible) Ex. 20, 23 et Mt. 5, 21. Editions du Cerf
**« Dieu avec nous » Cette formule a longtemps figuré en
écusson sur le ceinturon des soldats allemands.
102
Dernièrement, lors de la guerre dans l’ex-Yougoslavie,
l’Eglise catholique n’a pas hésité à soutenir activement
les visées militaires de son armée nationale.
L’eucharistie ou la pratique païenne
du sacrifice sanglant
On nous interroge concernant les influences païennes
dans la Bible et sur la façon dont celles-ci se sont
perpétuées dans le christianisme institutionnel :
Question :
« Lors de la seconde émission de la série sur le Saint-
Siège, vous avez longuement expliqué l’importance
des pratiques sacrificielles dans le paganisme. La
façon dont la messe est célébrée encore à notre époque
n’est-elle pas aussi grandement influencée par
des apports païens ?
Réponse :
La personne qui nous pose cette question a parfaitement
raison. On peut même dire qu’à travers sa question,
elle met le doigt sur la plus grande supercherie pratiquée
à l’encontre de l’enseignement de Jésus de Nazareth.
En effet, l’Eglise voit dans la célébration de la
messe, la répétition symbolique du sacrifice par le sang
de Jésus sur la croix. A l’occasion de chaque office reli103
gieux ce sacrifice est de nouveau thématisé et symbolisé à
travers la cérémonie de l’eucharistie : par sa mort, par
son sacrifice, le Christ aurait pris sur lui l’ensemble de
nos péchés. Ainsi, en répétant chaque dimanche ce geste
symbolique, on renouvelle ce sacrifice et on soulage sa
conscience des mauvaises actions commises au cours
de la semaine. Cette conception du bouc émissaire est
incontestablement d’origine païenne. A l’origine, on pratiquait
de véritables sacrifices humains avant de remplacer
les hommes par des animaux, entre autres par le
bouc. Ici, dans la symbolique catholique, on réintroduit le
sacrifice humain, mais pas n’importe lequel, le plus grand
qui soit puisque c’est le Fils de Dieu qu’on sacrifie. C’est
ce qu’a déclaré Paul et c’est le point de vue que l’Eglise
a adopté, qui est encore le sien aujourd’hui et qui le restera
aussi longtemps qu’existera l’Eglise catholique.
Pourtant, Jésus de Nazareth n’est pas venu sur la
Terre avec l’intention d’y mourir sur la croix. Il est venu
pour apporter aux hommes la vérité des Cieux et pour y
ériger le Royaume de Paix. Cette connaissance nous a
été révélée par l’Esprit du Christ lui-même, à notre époque,
par la bouche de son instrument, Gabriele, mais on
la retrouve aussi en partie dans certains passages de
l’Evangile ainsi bien sûr que dans les écrits apocryphes.
Cette pensée du sacrifice par le sang, cette mystique
du sang, pour l’appeler ainsi, a été introduite par
Paul dans ce qui commençait tout juste à se transfor104
mer en christianisme institutionnel. Ainsi, quelqu’un qui
se réclame de cette pensée devrait se définir comme
paulinien plutôt que comme chrétien se situant dans la
filiation du Christ. Ne pas le faire, c’est s’associer à la
plus grande falsification qui soit de l’enseignement de
Jésus, l’enseignement de l’amour, car c’est faire de Dieu
un personnage colérique, brutal et cruel, exigeant le
sacrifice expiatoire de son propre fils et l’envoyant sur
Terre pour cela. On ne peut imaginer d’acte plus cruel
que celui-là !
La guerre : théâtre de sacrifices sanglants.
Soldats sacrifiés pour la patrie.
Quand les obus servent d’instrument pour
exprimer « la grâce de Dieu »
Dès les premiers temps du christianisme, la question
du positionnement chrétien à l’égard de la violence
institutionnelle de la guerre, s’est trouvée posée. Les
premiers chrétiens ont eu à subir les foudres de l’Etat et
ont payé au prix fort leur refus de servir à la guerre, le
plus souvent de leur vie. On peut comprendre qu’un tel
refus était susceptible de mettre à mal tout l’équilibre
des principes sur lesquels reposait – et repose encore
largement – une certaine conception de l’Etat destiné à
l’exercice du pouvoir et à la gestion des intérêts de quelques
individus, familles ou groupes socio-ethniques.
105
C’est pourquoi le comportement résolument pacifiste
des premiers chrétiens généra une riposte impitoyable
et sans merci. L’Eglise d’alors, en cours d’institutionnalisation,
comprit le danger qu’il y avait pour elle à soutenir
ce point de vue au regard de ses intérêts temporels
et condamna le refus de servir dans les armées.
Depuis lors, elle s’est toujours tenue à cette vision
des choses et s’est largement compromise avec toutes
les formes de pouvoir, jusqu’aux plus sanglantes et
autoritaires. Le fait qu’il y ait toujours eu en son sein des
individus nobles, honnêtes, généreux, prêts au sacrifice
désintéressé pour leurs prochains, ne doit pas être
l’arbre qui cache la forêt.
Pour un « juste », combien de compromissions, de
bassesses, d’abominations ?
Lors de la 1ère guerre mondiale, le cardinal allemand
Faulhaber, fêté par la suite comme un grand patriote
par le 3ème Reich déclara, en tant qu’aumônier militaire
que « les canons de guerre sont les instruments d’expression
de la grâce de Dieu » et on sait, sans entrer
dans les détails, de quelle façon l’Eglise, jusqu’à ses
instances les plus élevées, s’est compromise à l’occasion
de ces 2 conflits mondiaux. La déclaration du cardinal
Faulhaber porte en elle la pensée que la guerre
serait une forme de purification lavant et effaçant les
errements du peuple sur le plan moral. Dans cette vision,
le soldat doit donc se sacrifier pour un but élevé.
106
Le plus macabre, dans ce processus, étant que les
aumôniers des deux camps tiennent les mêmes propos
aux soldats qui s’affrontent et s’entretuent donc avec la
bénédiction épiscopale.
Jusqu’à preuve du contraire, cette pensée du sacrifice
sanglant est encore en vigueur au sein de l’Eglise
catholique comme de l’Eglise protestante et elle est purement
païenne, Jésus n’a-t-il pas dit à Pierre : « Celui
qui prend l’épée, périra par l’épée » (Mt 26, 52). La mise
en garde est pourtant parfaitement claire et s’adresse à
chacun sans exception : avoir recours à la violence ne
correspond pas à la volonté de Dieu et celui qui sème la
violence, récoltera la violence.
De plus, il est capital de rappeler que Jésus a prononcé
ces paroles dans un contexte de légitime défense,
sa vie étant menacée. Voilà qui porte un éclairage
intéressant et instructif sur le dernier concept à la
mode au sein de l’Eglise, nous voulons parler de la notion
de guerre « juste » sous couvert de visées humanitaires.
Pourtant, au regard des paroles de Jésus rapportées
dans ce passage de la Bible, il est parfaitement
clair que le point de vue de l’Eglise sur la guerre juste
n’est pas chrétien.
Bien entendu, cela ne signifie en rien qu’il convient de
tout accepter et d’adopter une attitude fataliste devant la
vie et face aux évènements. Au contraire, Jésus nous a
montré de quelle façon nous devrions être actifs cha107
que jour au service des valeurs de paix, de justice, de
bien et d’harmonie, tout d’abord par notre propre comportement
personnel, mais également, le cas échéant
en agissant et en intervenant de façon concrète au service
de nos prochains, hommes ou animaux. Lui-même
l’a fait plus d’une fois et c’est pour cela qu’il est mort.
L’hypocrisie de l’Eglise catholique prend des
formes toujours plus pernicieuses.
Plusieurs papes font officiellement l’éloge de
l’inquisition.
Le génocide perpétré lors de la conquête de
l’Amérique du Sud aurait été « une heureuse
faute » !
A la lecture de ce qui vient d’être dit, nous ne pouvons
manquer de constater à quel point il est difficile et délicat
d’aborder ces aspects tant ils sont entourés d’un
voile épais de mensonges et d’omissions que la patine de
l’histoire s’est chargée de rendre méconnaissables en
effaçant de nos consciences le souvenir de leur portée
et de leurs intentions véritables. De plus, ils sont souvent
si bien camouflés sous un échafaudage de savantes
formules intellectuelles, parfois contradictoires, qu’il est
presque impossible au commun des mortels d’en percevoir
la vraie nature et les véritables signification et portée.
108
En réalité, tout cela n’est pas fortuit mais relève d’une
intention délibérée visant à parer une institution repue
de richesses et de pouvoir temporel, des vertus de la
pauvreté, de la compassion et de l’amour pour les humbles
et les faibles. A titre d’exemple des capacités à la
duplicité de cette institution, on relèvera les récentes
prises de position du pape actuel et de son prédécesseur
contre la recherche sur les embryons, par « respect
de la vie », alors que dans le même temps est théorisée
la « guerre juste », par laquelle les enfants venus
au monde au nom du « respect de la vie » iront la perdre
sur les champs de bataille.
Les évènements survenus récemment, à l’occasion
du décès de Jean-Paul II et de la nomination de son
successeur, nous offrent également un bel aperçu de
cette aptitude à la duplicité.
Le fait que le nouveau pape ait pris pour nom Benoît
XVI provoqua tout d’abord la surprise. On s’attendait à
ce qu’il choisisse de se nommer Jean-Paul III pour marquer
la continuité avec son prédécesseur. Le choix qui
préside au nom d’un nouveau pape élu n’étant jamais
sans signification programmatique, il est utile de rappeler
qui fut Benoît XV qui occupa le trône de Pierre de
1914 à 1922, c’est-à-dire tout au long de la première
guerre mondiale.
109
Benoît XV est souvent qualifié de « pape de la paix »
et le fait que Ratzinger se réclame de son héritage,
donna lieu immédiatement à des commentaires favorables
à son égard dans les cercles libéraux, dans les
milieux intellectuels et dans les médias attachés bien
souvent davantage à la forme qu’au fond : Ce pape affublé
d’une image de conservateur et de rétrograde n’allait-
il pas finalement agréablement nous surprendre ?
Qu’en est-il en réalité ?
En fait, la neutralité affichée par le Vatican durant la
première guerre mondiale et les efforts de Benoît XV
pour obtenir la paix, n’avaient rien à voir avec une opposition
fondamentale à la boucherie généralisée. Ils
étaient bien plutôt motivés par d’autres considérations.
En effet, le Vatican avait compris immédiatement qu’il
ne pouvait qu’être perdant dans tous les cas de figure
par la continuation du conflit et, par conséquent, il avait
intérêt à ce qu’il se terminât au plus tôt. Les puissances
belligérantes - France, Allemagne, Autriche-Hongrie,
Italie - ayant chacune une forte population catholique,
en prenant parti pour l’un ou l’autre camp, le Vatican
risquait une scission de l’Eglise.
Giacomo della Chiesa (Benoît XV) qui fut élu pape
un mois après le début de la guerre était un diplomate
expérimenté. Ce rejeton d’une famille de l’aristocratie
génoise avait passé des années au service de la diplomatie
vaticane. Il resta attaché à la neutralité du Vatican
110
pendant toute la durée de la guerre et, à partir de 1917,
il encouragea même le président américain Wilson à
engager des négociations de paix. Ce faisant, il préservait
autant que faire se peut les intérêts politiques de
l’Eglise tout en gagnant pour l’histoire une image de pacifiste
et de sage.
En se réclamant de ce personnage, Benoît XV effectue
donc à peu de frais une habile opération de communication
susceptible de jeter le trouble parmi les esprits
critiques.
Mais en réalité, Benoît XV a fait bien peu, sinon rien,
de façon concrète pour s’opposer à la guerre. En tant
que plus haute autorité spirituelle et morale de la planète,
pourquoi ne s’est-il pas montré plus ferme ? Pourquoi
n’a-il pas excommunié les personnes qui prenaient
part à la guerre ou qui l’avaient décidée, en leur refusant
le dénominatif de chrétiens ? Pourtant, d’ordinaire
l’Eglise sait très bien s’y prendre quand il s’agit d’exclure
ceux qui ne s’en tiennent pas à son enseignement.
Bien entendu, s’il ne l’a pas fait, c’est qu’il aurait risqué
de s’aliéner les instances dirigeantes des différents pays
belligérants.
Mais pour ceux qui voudraient bien y regarder de
plus près, il y a peut être une autre signification au choix
de son nom par le nouveau pape. En effet, tout comme
le cardinal Ratzinger, Benoît XV fut un adversaire
111
farouche de la « modernité », des Lumières, du
rationalisme, du libéralisme (au sens revêtu par ce mot
à l’époque), de la démocratie et, en définitive, de tout ce
qui semblait remettre en cause les bases du vieux
monde et la place que l’Eglise y occupait.
Dans une lettre encyclique publiée quelques mois
seulement après sa prise de fonction, Benoît XV s’était
opposé avec véhémence à tous ceux qui faisaient
confiance à la compréhension et à la raison : « Enflés et
enorgueillis de leur haute opinion de l’esprit humain,
lequel a fait assurément, avec l’aide de Dieu, des progrès
incroyables dans l’exploration de la nature, certains,
préférant leur propre jugement à l’autorité de l’Eglise, en
sont venus dans leur témérité jusqu’à juger à la mesure
de leur intelligence les divins mystères et toutes les
vérités révélées, n’hésitant pas à les adapter au goût des
temps actuels. Ainsi surgirent les monstrueuses erreurs
du modernisme que, à bon droit, Notre Prédécesseur a
proclamé la synthèse de toutes les hérésies et qu’il a
solennellement condamnées... Nous voulons donc que
reste sacrée cette règle de nos pères : n’innovez en
rien, contentez-vous de la tradition ».*
La lettre «Ad Beatissimi Apostolorum» du 1er novembre
1914 condamnait également la Première guerre mondiale.
Mais comme l’indiquait clairement le texte de la
* Lettre «Ad Beatissimi Apostolorum» du 1er novembre 1914
112
lettre, il s’agissait pour le pape de défendre avant tout
l’ordre existant menacé au plus haut point par les bouleversements
que la guerre était susceptible d’entraîner.
Cette condamnation était motivée avant tout par la
peur de profonds changements sociaux tels qu’il devait
effectivement s’en produire en Russie, en Allemagne,
en Hongrie et ailleurs. De là, la défense énergique des
pouvoirs en place et de l’ordre établi que seule la paix
était en mesure d’assurer.
La lettre en question condamnait également le fait
que « généralement on ne respecte plus l’autorité de ceux
qui commandent » et y voyait « une autre cause des
perturbations sociales ». Elle s’opposait à toute forme
de démocratie : « Du jour en effet où on a voulu placer
l’origine de tout pouvoir humain, non plus en Dieu Créateur
et Maître de l’Univers, mais dans la libre volonté de
l’homme, les liens de subordination qui doivent rattacher
les inférieurs aux supérieurs se sont affaiblis au point
de disparaître ou peu s’en faut. »
Bien entendu, chaque fois que le mot Dieu est prononcé,
c’est le mot Eglise qu’il faut entendre !
Sur un autre sujet, mais toujours dans le même ordre
d’esprit, celui de la duplicité et de la schizophrénie,
il est intéressant de se rappeler que, quelques semaines
seulement avant son élection sur le siège de Saint-
Pierre, le pape nouvellement élu n’a pas hésité à tenir
113
les propos suivants, lors d’une interview à la 1ère chaîne
allemande : « Nous nous plaçons dans la continuité de
l’inquisition. » Et d’ajouter : « On ne peut nier le fait que
l’inquisition ait apporté un certain progrès, puisque lors
des procès, les accusés étaient tout d’abord soumis à
des interrogatoires. »
Comment ne pas qualifier ces propos de cyniques
quand on sait que les interrogatoires auxquels procédaient
les tribunaux de l’inquisition étaient accompagnés
des tortures les plus cruelles et abominables qui soient
et qu’ils coûtèrent la vie à tant de personnes ? Il est
parfaitement incroyable qu’un cardinal, qui plus est directeur
pour la doctrine de la foi, place lui-même son
action dans la continuité de l’inquisition et la présente
comme un progrès au regard des moeurs judiciaires de
l’époque. Que ne dirait-on pas aujourd’hui de quelqu’un
qui oserait qualifier de progrès les méthodes en vigueur
pendant la dictature chilienne ou sous le 3ème Reich, sous
prétexte que les victimes de Pinochet ou d’Hitler auraient
eu droit à un interrogatoire musclé avant d’être assassinées
dans les chambres de tortures ?
Et pourtant, le cardinal qui tenait de tels propos est
devenu pape depuis et bénéficie désormais du titre de
« Saint-Père ». Ainsi se perpétue la formule : « Approuve
le fait de tuer, approuve les massacres mais surtout
sois un bon serviteur de l’Eglise, alors tu es déjà un
saint. »
114
Bien sûr diront certains, tout cela est vrai, cependant
il ne s’agit que d’un épiphénomène qu’il convient
de savoir replacer dans son contexte pour en saisir la
véritable portée. C’est sans doute ce qu’a voulu faire le
défunt pape Jean-Paul II - que beaucoup souhaitent déjà
voir canonisé - lorsque, à l’occasion du 500ème anniversaire
de l’évangélisation de l’Amérique du Sud, il a déclaré
que la prise de possession de celle-ci par les conquérants
catholiques espagnols – et plus tard portugais
– avait eu certes un caractère violent condamnable,
mais qu’il s’agissait aussi d’une « évangélisation remarquable
» ayant véritablement contribué au « développement
de l’histoire du salut », et qu’il fallait finalement y
voir « une faute heureuse ».
Les millions de victimes de ces évènements n’ont
sans doute pas été aussi sensibles que le pape aux
effets positifs et bénéfiques de la conquête espagnole,
de la colonisation qui s’ensuivit et de la mise en esclavage
qu’ils ont subie : Rien qu’une suite d’épiphénomènes
!
A refaire l’histoire à l’aide de formules choisies, on en
oublie toute la somme de souffrances endurées. On efface
la mémoire de la victime et on fait disparaître l’existence
du bourreau quand on ne fait pas de lui un bienfaiteur
ou un saint.
115
Au comble de la superstition institutionnalisée :
« statuettes de Vierge à râcler », « images de
saints à avaler », pour trouver le salut. Se libérer
de ses péchés en achetant des « indulgences »
Question :
Il y a peu, sur Internet, j’ai vu, proposée aux enchères,
une statuette de Vierge à râcler provenant de
Altöting ainsi que des images de saints à avaler. Pouvez-
vous m’expliquer de quoi il s’agit ?
Réponse :
A cette question, nous pourrions en ajouter une
autre : En absorbant ces petits morceaux d’images de
saints ou en grignotant chaque jour quelques copeaux
râclés sur une de ces statuettes, est-il possible de parvenir
à la sainteté ?
Mais répondons tout de suite à la première question.
La tradition des vierges à râcler est issue du Moyenâge
et a persisté jusqu’au 20ème siècle, en Europe Centrale.
En absorbant de minuscules copeaux de bois, de
pierre ou de plâtre provenant de ces statues ou en avalant
de petits morceaux d’images représentant des
saints, on était sensé trouver la guérison, effacer ses
péchés, voir un voeu se réaliser, etc…
Sur le site de l’Eglise catholique suisse www.kath.ch,
nous avons trouvé une évocation de la Vierge à râcler
116
du couvent de Einsiedeln. On peut y lire ce qui suit :
« On en râclait de minuscules particules pour les manger.
» Le Dr Müller, dans son livre « Mittel zum Heil »
(« Les moyens pour atteindre le salut »), écrit à ce
sujet (il s’agit de notre propre traduction) : «En cas de
besoin, pour s’annexer une substance curative, une des
possibilités les plus connues était de râcler la glaise
d’une statue de Madone à râcler. On pouvait se procurer
des copies réduites de la statue miraculeuse dans
différents lieux de pèlerinage. Les vierges noires à râcler
provenant de Altötting en Bavière, ainsi que les copies
miraculeuses faites au couvent de Einsiedln, étaient les
plus célèbres et les plus prisées, et ceci jusqu’au 20ème
siècle. Les Madones à râcler de Einsiedeln passaient
pour particulièrement miraculeuses et curatives car,
selon ce qui est raconté, de la terre et du mortier de la
chapelle miraculeuse, ainsi que des particules de reliques
étaient mélangés à la glaise servant à leur confection.
Seules les Madones à râcler vendues par le
couvent et portant au dos son estampille disposaient
de ces propriétés. »
Espérons que les particules de reliques dont il est
question ici n’étaient pas des restes de cadavres humains
!
Toujours sur le site de l’Eglise catholique suisse, on
fait référence aux images saintes à consommer. Dans
le livre du Docteur Müller, on peut lire ce qui suit à ce
117
propos : « Par le passé, il était possible d’acquérir des
images à avaler dans de nombreux lieux de pèlerinage.
Pour l’acheteur il était important que les images aient été
bénies par un prêtre et si possible qu’on les aient mises
en contact avec la statue miraculeuse vénérée sur le
lieu de l’achat. »
Il faut expliquer qu’à l’époque, il existait des reliques et
des répliques de reliques. Pour que la réplique possède
les vertus et les qualités de l’original, il suffisait de la mettre
en contact physique avec l’original. C’est pour cette raison
que les acheteurs désiraient ardemment que leurs images
à avaler aient touché au préalable une relique afin d’en
obtenir un surcroit d’efficacité.
Mais retournons au livre du Dr. Müller : « Les images,
bien souvent pas plus grosses qu’un timbre-poste,
étaient ingurgitées en cas de danger ou de détresse, on
en donnait également à consommer aux animaux malades.
Les images sacramentales à avaler étaient considérées
comme une sorte de médicament disposant d’une
grande force sous l’effet de la bénédiction délivrée par
le prêtre. »
La définition d’objet sacramentel donnée officiellement
par l’Eglise est la suivante (traduction) : « Objet sacré
et béni tels que huile, sel, feuilles de palmiers, croix,
médailles de pèlerinage, offrant au croyant protection et
bénédiction, le protégeant du malheur et lui permettant
d’espérer la guérison. »
118
Le Dr. Müller nous apprend également qu’ « en 1903
encore, la Congrégation romaine des rites approuva l’utilisation
des images à avaler. Cette coutume était déjà
connue dans l’Antiquité. » Ce qui est une autre façon
d’admettre que l’usage des images saintes à avaler n’est
rien d’autre qu’une coutume païenne.
Réfléchissons un instant à ce qui se passerait et à
ce que certains ne manqueraient pas de dire si toute
autre communauté religieuse que l’Eglise catholique
procédait à de telles pratiques ?
On parlerait sans aucun doute de superstition et on
mettrait sérieusement en doute la santé mentale des
membres de cette communauté ! Et si toute autre communauté
que l’Eglise catholique procédait sur Internet à
la vente de vierges à râcler aux vertus miraculeuses et
curatives, les services du ministère de la santé interviendraient
immédiatement auprès de la justice en dénonçant
une forme d’exercice illégal de la médecine.
D’autres lecteurs et auditeurs nous interrogent concernant
toutes ces coutumes étranges en vigueur dans
l’Eglise catholique :
Question :
D’où provient la coutume consistant à se traîner à
genoux pour obtenir une indulgence, comme c’est le cas
à Altötting (en Bavière) ou à Rome ?
119
Réponse :
La coutume consistant à se traîner à genoux pour
obtenir une indulgence est apparentée à la pénitence.
En accomplissant certains actes appelés pénitences
dont l’efficacité se mesure au degré de souffrance qu’ils
génèrent, on peut se libérer de ses péchés ou des peines
engendrées par ceux-ci. De telles pratiques sont
communes dans le paganisme. Elles sont souvent associées
à la confession, comme dans le Jaïnisme, dans
le culte d’Anetis, dans les mystères de Samothrace ou
encore dans le culte d’Isis.
Dans son livre « La foi falsifiée », Karl Heinz
Deschner, célèbre historien allemand des religions décrit
ces pratiques : « …sous la menace du prêtre, les
pécheurs se jetaient sur le sol, se frappaient la tête contre
la porte sainte, demandaient pitié aux « purs » en
les couvrant de baisers…». Il poursuit : « …après qu’ils
se soient repentis, on lançait en l’air des copeaux de
bois et des brins de paille et on poussait des cris d’allégresse.
Tous les péchés étaient emportés par le vent. »
Dans certains cultes de mystères, on confessait ses
fautes au prêtre, considéré comme le représentant de
la divinité, et cela dans le but d’être libéré des conséquences
possibles de ses actes. K. H. Deschner indique
à ce propos : « Dans le culte d’Isis, il existait un système
d’indulgences très élaboré tel qu’on le retrouvera
120
plus tard dans le catholicisme. Ainsi, même les cas
d’apostasie, c’est-à-dire de reniement de la foi, faisaient
l’objet d’une indulgence »
L’enseignement du Saint-Siège regorge de
contradictions, de non-sens et d’absurdités.
Pourtant, refuser d’y croire c’est prendre le
risque d’être excommunié, perdu et
damné pour l’éternité
Au cours des chapitres précédents, nous avons eu
l’occasion de rappeler que selon les prescriptions de
l’Eglise catholique, les fidèles sont tenus d’accepter et
de croire l’enseignement de l’Eglise dans sa totalité sous
peine d’être damnés pour l’éternité.
A ce sujet, un auditeur nous pose la question suivante
:
Question :
« Par le passé, on pouvait lire dans le Neuner-Roos (il
s’agit d’un ouvrage fondamental de synthèse décrivant
en quoi consiste la foi de l’Eglise catholique à
travers ses propres documents officiels. Non disponible
en français) : « damné éternellement ». Aujourd’hui
le mot damné a été remplacé par « exclu ».
Faut-il en conclure que désormais on n’est plus damné
pour l’éternité si l’on doute de l’Eglise catholique ?
121
Réponse :
Non, ce serait une erreur que d’en tirer cette conclusion.
Dans ce contexte, « être exclu » signifie toujours
être damné pour l’éternité. Autrefois on exprimait cela
en termes moins hypocrites. Aujourd’hui, cette formulation
a été simplement adaptée à l’époque et aux mentalités
afin d’apparaître moins radicale. Pourtant son sens
reste le même car être exclu signifie : être exclu du salut
donc voué à la damnation éternelle.
Dans le texte original en latin, il est écrit : « anathema
sit » autrement dit « qu’il soit damné ».
Voici une hypothèse pour expliquer cette nouvelle formulation
: Alors qu’à notre époque, sous la pression des
opinions publiques, les grandes confessions font assaut
d’amabilités réciproques par souci d’oecuménisme bien
compris, cela ferait quelque peu désordre que de vouer
à la damnation ceux à qui on est sensé tendre la main
car, rappelons-le, si l’on s’en tient au dogme catholique,
tous les membres des autres confessions sont voués à
la damnation éternelle, car seule l’appartenance à la vraie
religion est gage de salut.
Voilà ce que l’on peut lire à ce propos dans un
document officiel de l’Eglise produit à l’occasion du
Concile de Florence : « La très sainte Eglise romaine,
fondée par la voix de notre Seigneur et Sauveur… croit
fermement, professe et prêche qu’aucun de ceux qui
se trouvent en dehors de l’Eglise catholique, non
122
seulement païens mais encore juifs ou hérétiques et
schismatiques ne peuvent devenir participants à la vie
éternelle, mais iront « dans le feu éternel qui est préparé
par le diable et ses anges» (Mt 25, 41)… »* Au même
titre que tous les autres documents officiels de l’Eglise,
celui-ci est encore parfaitement valide et reconnu par
l’institution.
Le « représentant de Dieu sur Terre » ne
devrait-il pas être maître des éléments ?
Jésus de Nazareth l’était
Un auditeur nous pose la question suivante :
Question :
« En juin 2005, sur Radio Vatican, j’ai entendu qu’en
raison de la sécheresse catastrophique qui sévissait
en Australie, il avait été décidé d’un jour de prière
pour la pluie. Mais, en toute logique, prier Dieu pour
obtenir la pluie, c’est le considérer comme responsable
du temps qu’il fait ? D’où vient cette croyance ?
N’est-ce pas une manifestation de paganisme pure
et simple ?»
* Concile de Florence, 1438-1445 - Bulle sur l’union avec les
coptes et les Ethiopiens, « Cantate Domino «, 4 février 1442/
Décret pour les jacobites
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